Économistes, sociologues, politistes : comment raisonnent-ils et travaillent-ils ?
Comparaison du travail de l'économiste, du sociologue et du politique
L’économiste, le sociologue et le politiste sont trois chercheurs. Leurs disciplines constituent les sciences économiques et sociales : l’économie, la sociologie et la science politique.
I. Points communs des disciplines
– Ce sont des sciences sociales : elles étudient le monde dans lequel l’Homme vit, son environnement.
– Elles ont un objectif commun : comprendre le monde et ses réalités politiques, économiques et sociales.
– Elles ont une démarche commune : elles suivent les mêmes étapes pour comprendre le monde.
II. Différences des disciplines
Chaque discipline est un champ d’étude à part entière et possède donc ses propres problématiques.
A. L’économiste
L’économie est la science qui étudie la production de biens et de services, leurs répartitions et les revenus qui en découlent.
Question de base des économistes : Qu’est-ce qu’une allocation efficace des ressources rares ? Ces ressources sont les biens et les services :
– Un bien est quelque chose de matériel, de palpable. Il peut être produit et consommé à des moments différents. Exemple : un stylo.
– Un service est quelque chose de non palpable, produit et consommé en même temps. Exemple : une coupe de cheveux.
Problème : les biens et les services sont en quantité limitée, la science économique se demande comment les répartir (quelle est l’allocation optimale des ressources ?). Donc elle cherche à savoir quelle est la meilleure répartition possible des biens et des services dans l’économie.
Réponse : les économistes ont des visions différentes. Certains pensent que le marché doit répartir, à lui seul, l’ensemble des biens et des services. C’est-à-dire que les individus qui peuvent acquérir ces produits sont ceux qui en ont les moyens financiers. D’autres pensent que l’État doit intervenir pour répartir ces biens et services. En France, c’est une économie qui répartit principalement les biens par le marché : une économie de marché.
Ainsi, presque tous les biens et les services peuvent s’acheter et se vendre. Mais l’État intervient en partie pour en répartir certains et réduire des inégalités.
Exemple avec l’éducation : un lycéen coûte 10 000 € par an à l’État. Si l’État n’intervenait pas, beaucoup de lycéens n’auraient pas accès à l’école.
B. Le sociologue
La sociologie est la science qui étudie la vie en société. Émile Durkheim, père fondateur de la sociologie française, explique que les objets d’étude de la sociologie sont les faits sociaux (les comportements des individus en société).
Questions de base des sociologues : Comment fait-on société ? Comment explique-t-on les comportements sociaux ?
Pour répondre, les sociologues ont développé la notion de socialisation qui est un apprentissage de normes et de valeurs pour que les individus puissent se comprendre et vivre en société.
Exemple : En France, les gens se serrent la main pour se dire bonjour. Au Japon, les individus s’inclinent en avant.
Chaque société possède des normes communes qui lui permettent de fonctionner. Les sociétés ont des normes différentes ce qui entraîne parfois des incompréhensions entre différentes sociétés.
C. Le politiste
La science politique est la science qui étudie la conquête et l’exercice du pouvoir. Elle s’intéresse à l’État et aux institutions publiques.
Question de base des politistes : Comment se conquiert et s’exerce le pouvoir politique ?
Il existe différentes façons d’exercer le pouvoir, d’être légitime vis-à-vis de la population, cela peut être :
– par le vote, dans les démocraties,
– par l’hérédité, dans les monarchies,
– par la force.
Concernant l’exercice du pouvoir, on évoque la question de la souveraineté. L’État est souverain (au sommet de la hiérarchie politique), il impose ses décisions à la population. Max Weber parle du monopole de la violence physique légitime : l’État est la seule institution en France à pouvoir utiliser la violence pour faire appliquer ses normes.
Conclusion
L’économie, la sociologie et la science politique sont les trois disciplines des SES qui permettent une approche pluridisciplinaire de la matière pour en comprendre tous les enjeux, toutes les facettes.
Modélisation des SES et liens de causalité
Pour argumenter en SES, il est utile de faire des relations entre des statistiques. On étudie la modélisation des liens de causalité et des liens de corrélation.
I . Définition
Corrélation : relation statistique entre deux variables. On observe un lien entre la variable A et la variable B. Cette corrélation peut être :
– Positive : les variables évoluent dans le même sens. Graphiquement cela se traduit par une droite croissante.
– Négative : les variables n’évoluent pas dans le même sens, l’une augmente lorsque l’autre diminue. Graphiquement cela se traduit par une droite décroissante.
Causalité : l’existence d’un lien entre une variable A et une variable B. La causalité explique la corrélation. Une variable dépend de l’autre (A dépend de B).
II. Mise en application
La courbe d’offre représente les quantités produites par les entreprises en fonction des prix. On observe une corrélation positive car la courbe est croissante : quand les prix sont élevés, les quantités le sont aussi.
La causalité s’explique par le fait que plus les prix sont élevés, plus l’entreprise produit. L’entreprise a pour but de maximiser son profit, plus les prix de vente sont élevés, plus sa marge augmente ainsi l’entreprise à intérêt à produire pour gagner de l’argent.
La corrélation prix / quantité augmente dans le même sens.
III. Une corrélation peut entraîner plusieurs causalités
Exemple : taux de chômage et exclusion sociale. On observe que plus les individus sont au chômage, plus ils sont exclus et inversement.
Causalité de l’économiste : l’individu qui est au chômage voit ses revenus diminuer, ce qui limite ses activités et favorise une exclusion sociale.
Causalité du sociologue : l’individu au chômage ressent un sentiment de honte, se replie sur lui-même, ce qui favorise également l’exclusion sociale.
IV. Précautions
– À une corrélation peut correspondre plusieurs causalités. Ainsi, trouver une causalité ne signifie pas qu’il n’existe qu’un seul phénomène qui explique la corrélation.
– L’échantillon doit être significatif (assez grand) et représentatif (il doit représenter la population française dans son ensemble). Si on fait une étude sur 10 000 personnes, ces personnes doivent être en proportions égales à la population (même proportion de sexe, d’âge, de profession, etc.) pour pourvoir généraliser à l’ensemble de la population.
– Expliquer le sens de la corrélation : est-ce que A entraîne B ou est-ce que B entraîne A ? Par exemple : est-ce que le réchauffement climatique entraîne des émissions de gaz à effet de serre ou est-ce que les émissions de gaz à effet de serre entraînent le réchauffement climatique ?
– Il peut exister des corrélations sans causalité. Par exemple, l’été il se vend plus de crème solaire et il existe plus de maladies de peau. Peut-on en conclure que la crème solaire génère des maladies de peau ? Non, car il existe une variable cachée : le soleil.
L'économie, la sociologie et la science politique modélisent la réalité
Les économistes, les sociologues et les politistes créent des modèles qui représentent la réalité.
I. Des échelles d’étude différentes
Ces modèles sont faits à différentes échelles :
– Échelle micro : les chercheurs peuvent étudier un agent économique (un ménage, une entreprise). Par exemple, en économie, on parle de microéconomie.
– Échelle macro : les chercheurs étudient une société dans son ensemble (un pays). Par exemple, en économie, on parle de macroéconomie.
II. Spécificité de la sociologie
Le chercheur en sociologie fait partie de son objet d’étude car il vit dans la société qu’il étudie. Il peut donc être influencé par ses préjugés. Les sociologues ont répondu à cette question en disant que le sociologue est capable d’objectivité : il peut se défaire de ses préjugés.
Par exemple, Émile Durkheim explique que le sociologue doit traiter les faits sociaux comme des choses, c’est-à-dire comme des objets et doit se défaire de ses prénotions pour assurer la neutralité du chercheur.
Plus récemment, Pierre Bourdieu ou Raymond Boudon ont répondu à cette question en expliquant que le sociologue était capable d’être neutre, extérieur à son objet d’étude, de se défaire de la société dans laquelle il vit pendant ses recherches.
III. Démarche en sciences sociales
Tous les chercheurs (économistes, sociologues et politistes) adoptent la même démarche : celles des sciences sociales.
Exemple d’illustration : le vote des individus selon leur niveau de diplôme.
– Se questionner sur le sujet
On s’interroge quant aux liens entre le diplôme et le vote des individus.
– Lister des idées
Ce sujet fait penser à cela parce que… ou au contraire, ne fait pas penser à cela, parce que…
– Faire des recherches sur des travaux réalisés
Le chercheur étudie ce qui a déjà été fait, pour ne pas refaire la même chose, mais pour compléter.
– Formuler une problématique
Question à laquelle répond le travail : est-ce que le niveau de diplôme des individus influence leur vote ?
– Définir la méthode
Deux principales méthodes :
– méthode quantitative : pour collecter des données quantifiables (chiffres),
– méthode qualitative : pour avoir des données sur l’opinion des individus.
Ici, on utilise de la méthode quantitative avec des questionnaires.
– Construire les outils
On construit les questions du questionnaire : « Quel est votre niveau de diplôme ? » ; « Pour qui avez-vous voté au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2017 ? »
– Réaliser l’enquête
On se rend sur le terrain pour distribuer les questionnaires et les récupérer.
– Interpréter les résultats
On analyse les questionnaires, c’est ici qu’interviennent les modèles, représentés avec des chiffres, des schémas, des graphiques, etc.
On observe que moins les individus sont diplômés, plus ils votent pour Marine Le Pen. À l’inverse, plus les individus sont diplômés, plus ils votent pour Emmanuel Macron. On observe donc qu’il existe bien un lien entre le niveau de diplôme des individus et leur vote.
– Conclure
La conclusion consiste à valider ou invalider l’hypothèse de départ. Si elle est invalidée, on en cherche les raisons. Ici, elle est validée.
IV. À quoi servent ces modèles ?
– Expliquer les phénomènes du monde dans lequel on vit, leur donner du sens.
– Prédire un avenir proche. Par exemple, aujourd’hui les économistes tentent de prédire la prochaine crise économique : Quand aura-t-elle lieu ? Quelle vont en être les causes ?