Le travail

Par définition, le travail est une activité de transformation de la nature à des fins utiles.

 

I. La malédiction du travail

 

La première conception du travail, celle de l’opinion commune, est celle d’un travail envisagé négativement. C’est quelque chose que l’on n’aime pas, que l’on aimerait fuir si possible.

Le travail est une nécessité. En effet, l’Homme n’a pas le choix, il est obligé de travailler, car s’il ne travaille pas, il meurt. La nature, spontanément, ne lui fournit pas de quoi survivre. Donc plutôt que de parler d’obligation, on peut dire que le travail est une contrainte. L’obligation est le fait de faire ce que l’on doit faire tout en ayant le choix de ne pas le faire ; la contrainte est le fait de faire ce que l’on doit faire sans avoir le choix de ne pas le faire. C’est pour cela que le travail est une contrainte : il obéit à une loi matérielle, celle de la vie, qui doit reconquérir son droit sur l’impérieuse nécessité de la mort.

Ensuite, le travail est une contrainte pénible. Le travail est une activité, c’est-à-dire l’exercice physique ou psychique d’une force par un agent. Or, une force, à partir du moment où elle est mise en œuvre, s’épuise, se consomme : elle est auto-consommatrice. C’est pourquoi le travail entraîne une fatigue, et est donc vécu comme quelque chose de pénible et douloureux.

On peut revenir à l’étymologie du mot travail, qui vient du latin tripalium, qui signifie « instrument de torture ».

C’est la raison pour laquelle le travail a été envisagé comme une malédiction. Cette conception négative du travail se trouve par exemple dans la Genèse. Ce livre de l’Ancien Testament, dans la Bible, distingue deux temps :

– le temps d’avant la Chute, du bonheur, du jardin d’Éden où la nature produit spontanément ses fruits, où Adam n’a donc pas besoin de travailler,

– le temps d’après la Chute, suite au péché originel où la nature devient jalouse de ses bienfaits, où Adam est obligé de travailler pour subvenir à ses besoins.

On remarque donc que ce qui fait du travail une contrainte, une nécessité, c’est une transformation de la nature, qui spontanément ne va fournir à l’Homme de quoi survivre. Cette acception négative du travail explique pourquoi dans l’Antiquité, le travail était méprisé et réservé aux esclaves, que l’on considérait comme des animaux, car travailler, c’est faire en sorte de fournir de quoi subvenir aux besoins de notre animalité. C’est cette idée que l’on va essayer de renverser.

 

II. Travail et liberté

 

Karl Marx défend l’idée que le travail est une activité spécifiquement humaine. Pour Marx, il est faux de parler de travail animal. Il met en perspective trois caractéristiques qui corroborent cette dimension nécessairement humaine du travail.

Selon Marx, la fin du travail « préexiste idéalement dans l’imagination du travailleur ». À la différence de l’animal, l’architecte par exemple va imaginer son projet avant de le réaliser, là où l’animal va agir instinctivement et involontairement. En concevant cette fin, le travailleur va déterminer sa volonté, il y a donc un détour par l’esprit quand le travailleur s’active, ce qui n’est pas le cas pour l’animal.

Ensuite, dit Marx, la réalisation du projet n’est pas un « simple changement dans les matières naturelles ». En effet, la modification qui est opérée par le travail n’est pas immanente à la matière, mais elle est plutôt l’inscription de la volonté du travailleur dans la matière. Il faut donc se souvenir ici de la thèse hégélienne selon laquelle la conscience de soi, pour prendre conscience d’elle-même, a besoin de s’inscrire dans le monde par la production d’œuvres extérieures. Cette idée de Marx s’inscrit donc à la suite d’Hegel, puisque par le produit du travail, je m’objective dans le monde, et m’y reconnaît d’une certaine manière. Cela permet la conscience de soi.

Enfin, ajoute Marx, le travail n’est pas seulement une transformation de la nature, c’est aussi une transformation du travailleur. En effet, on a vu que le travail était une contrainte pénible, c’est donc un effort. Quand je travaille, je vais à l’encontre de mes inclinations naturelles qui veulent me conduire à ne rien faire. Rousseau disait : « il est inconcevable à quel point l’Homme est naturellement paresseux ». Donc quand je travaille, je domestique mes penchants, mon animalité, en obéissant à ma volonté plutôt qu’à mes désirs. En d’autres termes, le travail est libération de ces penchants. Il y a donc vertu de l’effort qui rend libre : une expression courante dit d’ailleurs que « l’oisiveté est mère de tous les vices ».

Il y a donc un lien entre liberté et travail dans cette perspective, à partir du moment où le travail est une activité spécifiquement humaine. Cela dit, s’il existe en droit un lien entre travail et liberté, qu’en est-il en fait ? Marx se demande si le travail, au XIXe siècle, est un travail qui permet la liberté du travailleur, ou si au contraire c’est un travail aliéné.

 

III. L’aliénation du travail

 

Être aliéné, c’est être dépossédé de soi. Marx fait une critique tel que le travail s’effectue au XIXe siècle, en pleine Révolution industrielle en disant que c’est un travail aliéné, et ce pour trois raisons.

– D’abord, dit Marx, ce n’est pas une libre activité physique et intellectuelle. Cela veut dire que le travail ne permet pas à l’ouvrier de déployer librement ses talents. Marx critique fait une critique de la civilisation industrielle et de la division du travail qu’elle suppose. Cela conduit les ouvriers à reproduire des tâches simples tout au long de la journée. Elles sont déshumanisantes comme on peut le voir dans Les Temps modernes de Charlie Chaplin.

– Ensuite, le travail est aliéné quand il est réduit à la contrainte vitale. C’est la situation dans laquelle il n’y a aucun plaisir à aller au travail, mais que l’on ne s’y rend que pour obtenir de quoi subvenir à ses besoins.

– Enfin, le travail est aliéné dans le mode production capitaliste. Ce que reproche Marx au système capitaliste est l’extorsion de la plus-value. Marx fait la distinction entre les propriétaires des moyens de production, la bourgeoisie, et ceux qui vendent leur force de travail, le prolétariat. Prolétariat dont on vole le produit du travail, selon Marx, car ils ne possèdent pas les moyens de production. Et dont on s’approprie une partie du surtravail, c’est-à-dire la production de l’ouvrier, qui n’est pas rétribuée dans la journée.

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