Annale – Suffit-il d’observer pour connaître ?

Bien utiliser les références

I. Quand, où et pourquoi

 

Évidemment, on utilise les références dans le développement et non en introduction. Il ne faut pas griller ses fusibles dès l’introduction, donc pas de référence en introduction.

On utilise des références dans chacune des parties avec cette précision qu’on n’utilise qu’une référence par paragraphe. Il est hors de question de mettre plusieurs références ou de faire référence à Platon et Aristote dans le même paragraphe. Mieux vaut moins de références mais une seule bien maitrisée et utilisée par paragraphe. 

Pourquoi des références ? Il faut savoir qu’effectivement l’utilisation des références philosophique et d’une culture philosophique de manière générale n’est pas obligatoire, ce n’est pas attendu. Il n’y a aucune référence attendue obligatoirement. En revanche, il est clair qu’il faut quand même se rendre compte qu’une référence philosophique et que la culture philosophique de manière générale aide beaucoup à penser des problèmes philosophiques. Donc on a du mal à pouvoir s’en passer.

 

II. Comment ? Le problème de l’argument d’autorité

 

L’utilisation d’une référence ne peut pas se faire en disant « Kant a dit cela donc c’est vrai » ou « Hegel a dit cela donc c’est vrai » ou « d’ailleurs Descartes l’a bien montré donc on est sauvé ». L’utilisation d’une référence n’a d’intérêt que si on est capable de montrer comment Hegel et avec quel concept Hegel a montré ceci ou montré cela. Il faut pouvoir reprendre l’argument de l’auteur au lieu de se contenter de dire que untel l’a dit donc que ce serait vrai en soi.

 

III. Exploiter une référence pour le sujet

 

Une référence philosophique n’a d’intérêt que si et seulement si elle permet de traiter le sujet. Il est hors de question d’accumuler des doctrines philosophiques pour le principe d’accumuler des doctrines philosophiques. On ferait du hors-sujet : c’est tout à fait rédhibitoire, discriminant, et il ne faut absolument pas accumuler des références pour accumuler des références. L’objectif est bien de traiter un sujet et donc d’y répondre.

 

IV. Exemple

 

Soit l’exemple « Peut-on reprocher à une œuvre d’art de ne rien vouloir dire ? » La première partie est formulée ainsi : « On ne peut reprocher à une œuvre d’art de ne rien vouloir dire puisqu’elle ne se manifeste précisément pas sous la forme d’un discours ». Cette première partie n’exige pas l’utilisation d’une référence. On n’a pas besoin de référence pour montrer que ce qui caractérise l’art ne se manifeste pas sous la forme d’un discours. On peut prendre des exemples. On peut exploiter ou développer un certain nombre de considérations sur les termes mêmes de ce qu’est une œuvre d’art, sans avoir besoin de ne se référer ni à Kant, ni à Aristote, ni à Platon. Ce n’est pas nécessaire, on peut le faire de soi-même

La deuxième partie en revanche, « On peut cependant exiger d’elle qu’elle exprime quelque chose puisqu’on doit pouvoir y contempler une manifestation de l’esprit. », renvoie explicitement à une doctrine de Hegel. Si on utilise des arguments d’auteur, que ce soit Pascal, Hegel ou qui que ce soit, il est hors de question de développer une argumentation qui viendrait d’un auteur sans dire qu’elle vient de cet auteur. On ne peut pas se permettre de développer une argumentation et un raisonnement qui proviendraient de Hegel sans dire que c’est Hegel qui vous permet de faire ce développement. Donc il faut explicitement se référer au nom-même de Hegel et reprendre son argumentation.

 

V. Se référer à un auteur

 

Concrètement, se référer un auteur implique d’abord de le nommer. Ensuite, si on a la référence de l’ouvrage duquel est extrait votre argument, il faut donner le titre en prenant soin de le souligner. Mais le plus important restera dans tous les cas la reprise de l’argumentation de l’auteur. L’objectif n’est pas encore une fois d’accumuler des références mais beaucoup plus de les exploiter.

C’est le cas dans cet exemple, puisque « On doit pouvoir y contempler une manifestation de l’esprit. » est bien ce que Hegel dit de l’art et c’est ainsi qu’il définit l’art. Hegel montre bien que l’art est l’expression d’une détermination de l’esprit sous une forme concrète, sous une forme matérielle dans laquelle se retrouve une détermination de l’esprit

Mais effectivement, il faut nommer Hegel, si l’on peut l’ouvrage à savoir Introduction à l’esthétique de Hegel de telle sorte que l’on ne reprenne pas son argument sans dire qu’il vient de lui puisque c’est quand même lui qui a permis de penser cette difficulté.

La problématique

L’objectif est de distinguer la problématique en philosophie de la problématique telle qu’on peut la rencontrer dans d’autres disciplines. L’objectif est précisément de voir en quoi c’est autre chose.

 

I. Ce que n’est pas une problématique

 

Une problématique en philosophie n’est pas une simple reformulation de la question. On ne peut pas se contenter de reformuler la question et de dire « on traitera le problème suivant : « peut-on reprocher à une œuvre d’art de ne rien vouloir dire ? » »

De la même manière, il ne suffit pas d’ajouter un petit mot. Par exemple « dans quelle mesure peut-on reprocher à une œuvre d’art de ne rien vouloir dire » ou « en quel sens peut-on dire qu’une œuvre d’art ne veut rien dire ». Tout cela ne sera pas suffisant.

 

II. Ce qu’est la problématique

 

C’est fondamental et décisif par rapport à la réussite de la dissertation : une bonne problématique ou une problématique tout court en philosophique implique la formulation d’une difficulté qui empêche de répondre immédiatement au sujet philosophique, une difficulté qui exige un traitement philosophique. On ne peut pas répondre à la question parce qu’une difficulté se présente, parce qu’une contradiction, un paradoxe se présente. Ainsi, on formule le problème auquel on a affaire, problème qui exige un traitement philosophique. 

 

III. Difficulté, enjeux, fil directeur

 

Il est intéressant, par rapport à la recherche de la problématique, de trouver une difficulté. Alors que jusqu’à présent dans votre scolarité, on vous a demandé de trouver les solutions par rapport à une question donnée, ici ce qui intéresse le correcteur, ce ne sont pas tant les solutions que les problèmes, c’est-à-dire la capacité à montrer pourquoi la question se pose, quelles difficultés rencontre-t-on dans la réponse que l’on cherche à donner à cette question. Donc il faut penser à la difficulté, chercher les difficultés relatives à une question donnée.

Il faut aussi chercher les enjeux. Cela permet également de préciser le sens d’un problème que de trouver ses enjeux. Les enjeux sont les conséquences. Si on répond comme ceci, qu’est-ce que ça donne ? Quelles sont les conséquences pratiques ? Quelles sont les conséquences théoriques à cette réponse ? Si on répond comme cela, quelles en sont les conséquences ? Qu’est-ce qui est en jeu ?

Enfin, l’objectif est bien de se donner un fil directeur pour sa propre dissertation, c’est-à-dire que le problème sera le point sur lequel il faudra à la fin de chaque partie revenir constamment. C’est un point essentiel, ça donne un fil de réflexion, donc un fil directeur pour la dissertation.

 

IV. Exemple de problématique

 

On prend l’exemple de sujet « Peut-on reprocher à une œuvre d’art de ne rien vouloir dire ? » pour essayer de voir comment on pourrait mettre en place ou formuler une problématique. Une problématique ne pourra pas consister à dire « Dans quelle mesure peut-on reprocher une œuvre d’art de ne rien vouloir dire ? » On n’a pas manifesté par là de difficultés, de problèmes ou de contradictions.

La meilleure manière de montrer qu’un problème se pose est de formuler cette problématique sous la forme d’une alternative, d’une contradiction franche. « Faut-il penser ceci ou à l’inverse faut-il penser cela ? » C’est la raison pour laquelle on ne peut pas répondre d’emblée à la question.

« Peut-on reprocher à une œuvre d’art de ne rien vouloir dire ? » On peut reformuler les choses en se donnant deux d’alternatives et se demander si de fait, au bouillon, il y a des œuvres d’art qui n’ont aucune signification ou au contraire faut-il penser que toutes les œuvres d’art transmettent un message. Donc, de fait, les œuvres d’art expriment-elles toutes quelque chose ou au contraire faut-il penser de droit qu’une œuvre d’art n’a aucune signification déterminée ?

Comme on l’a vu, l’objectif est précisément de montrer que si l’artiste avait voulu dire quelque chose, il se serait contenté de le dire, il n’aurait pas créé une œuvre d’art pour cela. Là, on a une vraie opposition, on a une véritable contradiction et c’est donc une problématique. On a vraiment une alternative, une contradiction et on ne peut pas se décider tant qu’on n’a pas traité le sujet.

Pour le sujet qu’on s’est donné, à savoir « Peut-on reprocher à une œuvre d’art de ne rien vouloir dire ? », on peut formuler la problématique de la manière suivante : « Faut-il penser que toutes les œuvres d’art expriment quelque chose ou comprendre qu’au contraire la spécificité de l’art réside dans son caractère irréductible à tout discours ? »

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